Elan

Yaelle Sibony-Malpertu, 2017, Texte critique
Le tracé signe une solitude ressentie et consentie. Cette solitude est un point de départ pour tenter la rencontre. Car au même moment, la forme défini(tiv)e la contourne par le symbole, met en lien l’hétérogène, le différent, et engage le dialogue. La plume avec laquelle Kethevane Cellard dessine est sûre, mûre, elle produit les formes, entités dont on sent la présence, quelles que soient leur taille, leur place par rapport aux autres. Simultanément, elle interroge les contours en les mettant en résonance avec d’autres formes, pour voir l’effet d’immersion dans un espace ouvert. Sans fond, sans cette perspective supposée produire le relief, ce sont les formes qui s’installent et créent l’espace commun. Souvent, elles défient la gravité. Elles sont lucides, mais pas résignées : elles annoncent des mouvements avenir.

Those left behind débordent chacun d’une énergie qui les propulse ! Où vont-ils avec cette énergie du déracinement ? Tels des happy few, ils déflorent ce qui prétendait être déjà exploré. Vers quel horizon se gonflent les voiles (dans le Sans titre avec voiles) qui soulèvent les pierres, ou que les pierres retiennent dans une tension multidimensionnelle ? Qu’aurait pensé Escher de ce réel vu sous plusieurs angles simultanés, superposés ? La discussion ressemble, quant à elle, à un orchestre de chambre, à chacun de choisir sa musique pour animer les formes et les mettre ensemble, le temps de l’échange. On sent l’énergie déployée par chacune des entités sujets, pour s’animer, s’exprimer, communiquer. On entend aussi les moments cacophoniques, les tentatives d’échanges manqués, et la possibilité d’accords, d’échanges harmonieux. Les trois femmes évoluent ensemble, dans leur solitude et leur regard posé l’une sur l’autre, choses ou sujets –selon. Leur proximité signe la contingence des situations, qui impose de se construire dans des face-à-face subtils, périlleux, mais aussi importants.

Toutes ces formes donnent à penser simultanément l’existence comme phénomène actuel et expression déterminée de l’aléatoire. Elles donnent aussi à rêver, à entrer dans un intime connu et inconnu : elles découvrent des recoins cachés de l’imaginaire – notre autre réalité.

La couleur vient parfois, comme pour souligner le mouvement d’une forme, sa gravité, et nous nous apercevons alors que les dessins de Kethevane Cellard en sont souvent épurés – ce sont les formes qui les colorent.